“La langue est le véhicule principal de l’identité”

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Même si les réactions d’ostracisme à l’encontre du fait amazigh sont encore légion, il n’en demeure pas moins que l’affirmation de l’identité amazighe est désormais une réalité sociale et culturelle en Algérie

De notre envoyé spécial à Ouargla : M. Mouloudj

Le travail de longue haleine entrepris et réalisé par des générations de militants depuis les années 1940, a fini par se concrétiser et imposer, ainsi, un cadre institutionnel pour l’amazighité entre médias et éducation. Cette réalité sociohistorique longtemps reléguée à “une composante” qui mettrait plutôt en péril une nation algérienne bâtie sur la négation et consacrait un arabo-islamisme importé comme seul repère identitaire a fini par se désagréger devant l’engagement des militants à rétablir la vérité historique.

L’identité cette image qui se forge dans un espace à travers un temps est sujette à des influences qui la façonnent. Ces influences ; comme les pratiques langagières, les représentations sociales et culturelles&hellip,; émanent aussi présence étrangère au corps social et à la communauté identitaire. En Algérie, l’influence du colonialisme français qui a marqué l’Histoire du pays et ses traces restent palpables. Elles subsistent même dans l’imaginaire collectif et individuel qui participe d’une manière très présente à la définition de l’identité algérienne. Pour établir une cartographie psychosociale, historique, linguistique et anthropologique de l’expérience coloniale dans la définition de l’identité algérienne, le Haut commissariat à l’amazighité organise, depuis hier, un colloque à Ouargla, portant sur le thème de “La composante amazighe dans l’identité algérienne : état des lieux”.

Plusieurs communications sur le thème sont proposées. Pour hier, après l’ouverture officielle des travaux du colloque par M. Youcef Merahi, SG de cette institution, le wali et le P/APW d’Ouargla, les débats ont tourné essentiellement sur le rôle de la langue dans l’édification d’une identité. Moussa Imarazène, maître de conférence à l’université de Tizi Ouzou, a traité du contrat linguistique amazigh et français. Dans sa communication, M. Imarazène a souligné que “tout contact entre communauté génère automatiquement la cohabitation de leurs langues respectives”. Cette cohabitation, ajoute encore le conférencier, “peut être pacifique ou conflictuelle”. Cette situation est conditionnée aux rapports qu’entretiennent les locuteurs de ces langues entre eux. Pour ainsi dire, si les deux communautés sont complémentaires l’une de l’autre, le rapport entre leurs langues pourrait être un élément qui allait générer de l’entente et de la paix, contrairement aux rapports de conflits et de dominance que peuvent entretenir les deux communautés. Cette situation sera, donc, un prélude pour un conflit de langues. Cette situation, explique encore le conférencier, va inéluctablement engendrer des influences linguistiques mutuelles, qui peuvent aller du simple emprunt lexical ou phonétique à des changements phonologiques et syntaxiques, voire même à la supplantion et à la substitution. Le conférencier a traité aussi des contacts entre la langue amazighe et la langue française. Sur ce, il a explicité son intervention sur les rapports que ces deux langues partagent et ont partagé ainsi que les conséquences et les rapports de ces relations sur les langues pratiquées en Algérie, à savoir le tamazight, l’arabe et le français.

Tamazight est pour beaucoup dansla réussite aux examens

Pour M. Imarazène, la langue française a un statut de langue officieux de par sa présence dans la vie algérienne, dans l’administration, l’école, et surtout chez la sphère officielle. Il a ajouté que “l’usage de la langue amazighe se réduit», car cette langue “n’a pas pu récupérer son champ d’action”. Par ailleurs, il a souligné que l’enseignement de tamazight dans la wilaya de Tizi Ouzou est “pour beaucoup dans les résultats qu’obtienne la wilaya dans les examens comme le bac”. Il faut rappeler que la wilaya de Tizi Ouzou s’est brillamment illustrée, plusieurs fois de suite, lors des examens de BEM et surtout du BAC. M. Gaouaou Manaa, professeur à l’université de Batna, a traité quant à lui, des questions autour du rapport langue/identité dans le domaine berbère : comment réduire le totalitarisme identitaire en Algérie ? Le mot totalitarisme utilisé semble être “un peu fort” pensent certains. Pour d’autres, il reflète exactement, une situation où il fut un temps, “il était interdit de parler en tamazight», avait répondu le conférencier, qui a axé son intervention sur l’apport de la langue à l’identité. Pour M. Manaa, “la langue est le véhicule principal de l’identité”.

Cette situation qui vise à diluer la réalité amazighe dans un contexte arabo-islamique a fait que beaucoup de régions optent pour des langues autre que tamazight pour s’affirmer, d’où naissent des complexes d’infériorité et surtout la perte totale de la langue chez la progéniture de ses locuteurs. “L’idéologie dominante en Algérie voulait accréditer l’idée d’une identité amazighe qui serait sans la langue algérienne», a souligné le professeur qui a ajouté que la quête de cette identité ne se résume pas uniquement, à une préoccupation intellectuelle, mais “elle est surtout une préoccupation existentielle”. Ouzna Dadoune, enseignante à l’université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, a présenté une communication portant sur “les pratiques linguistiques des étudiants à l’université de Tizi Ouzou”. Cette communication traite des pratiques linguistiques des étudiants et la place de tamazight et du français dans la communication quotidienne entre étudiants. Pour la journée d’aujourd’hui, les intervenants traiteront de l’identité chez l’enfant chaoui, à la lumière des langues en usage dans cette région amazighe. Même la pratique langagière chez les immigrés kabyles à Montréal sera traitée.

M. M.

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